Amis?
Guy traverse en courant la rue. Son ami Joël vient de l'appeler; il lui a dit de venir tout de suite. Guy se demande ce que Joël a de si urgent à lui montrer: il est seul chez lui ces jours-ci parce que sa maman a dû s'absenter courtement. Lui serait-il arrivé quelque chose? Peut-être un cambriolage?
Guy arrive tout essoufflé et Joël le fait entrer. Un spectacle inhabituel l'attend dans le salon: la pièce est dans un désordre indescriptible. La nappe de la table traîne presque par terre, les tapis dansent et sont d'une saleté repoussante, les coussins du canapé sont dispersés sur le sol. Bref, la pièce est sens dessus dessous. Des voleurs ont certainement passé par là! C'est la première pensée qui vient à l'esprit de Joël.
- Non, non! le rassure Guy. Les voleurs viennent rarement en plein jour. Mais tu ne sais pas quoi? Je me suis acheté un chien, tout jeune! Et au comble de l'excitation, il raconte comment il s'est procuré l'animal.
À ce moment un grattement se fait entendre à la porte. Joël ouvre et un jeune chien berger fait irruption et saute en aboyant joyeusement sur son nouveau maître. Les deux s'amusent et se chamaillent comme des fous, ne faisant qu'augmenter encore le désordre de la chambre. Joël assiste sans dire un mot à ce défoulement. Pas étonnant que l'appartement soit dans un tel état!
Ce n'est que lorsque le chien est parvenu à attraper la pantoufle de Guy qu'il laisse son maître tranquille et que celui-ci peut alors de nouveau s'occuper de son ami. Il n'a pas l'air tout à fait à l'aise.
- Joël! j'ai besoin de ton aide!
- Quoi, comment... mon aide, à moi?
- Oui, il faut que tu m'aides. J’ai des ennuis.
Maman rentre ce soir. Elle ne sait pas que je me suis acheté un chien. Elle ne supporte pas les chiens et ne veut pas en avoir autour d'elle. Que faire?
- Mais Guy, pourquoi alors en as-tu acheté un?
- Oh! il n'était pas cher.
- Et tu avais de l'argent?
- Maman m'en avait donné. C'était pour m'acheter... une paire de souliers.
- Oh, là, là! ne peut s'empêcher de s'exclamer Joël.
- Enfin quoi? se récrie Guy furieux de cette réaction. Je n'aurais pas dû prendre cet argent? C'est bien vous, cela! vous n'avez aucune compréhension, aucun amour pour cette pauvre petite bête innocente! - Allons, Joël, ne fais pas l'idiot! Aide-moi! Je veux garder ce chien, quoi qu'il arrive. Voilà ce que j'ai pensé: il faut que tu sois ici quand maman rentrera. Nous lui dirons que la glace de l'étang s'est cassée et que le brave « Rex » m'a sauvé la vie. S'il ne m'avait pas retiré de l'eau, je me serais noyé misérablement. Maman sera bouleversée et elle sera toute disposée à garder mon sauveur.
Guy s'est levé de la chaise sur laquelle il était assis.
Il se plante devant son ami et le regardant droit dans les yeux, il lui dit:
- Joël, tu attends de moi que je t'aide à tromper ta mère? Ne compte pas sur moi pour cela! Pense ce que tu veux de moi, mais je ne t'aiderai pas. Toute cette histoire n'est qu'un gros mensonge. Tu as peur et alors tu veux mentir, et par-dessus le marché tu réclames mon aide! Jamais! j'aurais mieux fait de ne pas venir!
- Eh bien, va-t'en! Si c'est cela un ami! lui lance Joël d'une voix surexcitée. Il est hors de lui et met son ami à la porte.
Guy quitte l'appartement, tout triste. Qu'est-il arrivé à Joël? Aurait-il dû lui céder? Non, il ne peut ni ne veut le faire. Arrivé dans la rue, il s'arrête un instant. Peut-être Joël va-t-il le rappeler? Il aura peut-être compris qu'on ne peut pas tromper ainsi sa maman? Qu'on ne doit pas mentir? Mais Joël ne le rappelle pas et Guy rentre chez lui.
À la maison, Guy raconte à sa maman ce qui s'est passé.
- Joël sera revenu à la raison, dit-elle pour le consoler. Il reconnaîtra que tu ne pouvais pas faire autrement.
Mais Guy ne peut pas s'imaginer que Joël admette son tort: il était trop furieux. Ah! qu'il est déçu de son ami!
Ce soir-là, le téléphone sonne. C'est pour Guy: à son étonnement, il reconnaît la voix de Joël.
- Guy - maman me permet de garder Rex. Je lui ai dit toute la vérité et je lui ai aussi raconté ce qui s'était passé entre nous deux. Après ton départ, j'étais tout malheureux. J’ai alors réfléchi à ce que tu m'avais dit et j'ai suivi ton conseil. Guy... es-tu encore mon ami? Malgré tout ce qui est arrivé? Est-ce que tu me pardonnes? J’ai été très méchant avec toi. Pardonne-moi, s'il te plaît!
Et Guy est bien sûr tout prêt à le faire.