Les chercheurs d'or
Tout était tranquille dans la petite maison, de l'autre côté de la rue. Robert mesura ses chances et se glissa par la porte d'entrée. Claude ne l'entendit pas. Il admirait le livre aux couleurs vives qu'il tenait entre les mains. Robert avait envie de faire des farces et avait décidé de se glisser derrière son ami, de mettre ses mains sur ses yeux et de lui faire deviner qui c'était. Pourtant, tout en avançant sur la pointe des pieds vers son camarade, il pouvait l'entendre rire tout bas et marmonner: « janvier, février, mars, avril, mai et juin. »
Finalement, Robert ne put pas y tenir plus longtemps. Après s'être fait reconnaître, il demanda, plein de curiosité: « Comment se fait-il que tu répètes les mois de l'année? Est-ce que tu les apprends seulement maintenant? »
« C'est toi qui es bien attrapé cette fois. Ce ne sont pas les mois de l'année. Regarde un peu. »
Pour que Robert puisse regarder, Claude leva le livre. Ce qu'il vit sur la couverture le remplit d'admiration. Ils étaient là: janvier, février, mars, avril, mai et juin, six petits putois devenus orphelins quand leur mère fut prise dans un piège.
Les garçons se mirent à lire ensemble les aventures de cette demi-douzaine de bébés putois, qui rôdaient dans les ténèbres nocturnes, marchant comme des soldats et gambadant comme de petits chats.
Les minutes passèrent rapidement. Il était presque l'heure du dîner et Robert devait partir. Au moment où ils allaient se dire au revoir, Robert ajouta :
- Claude, tu as toujours des livres tellement intéressants. J'aimerais en lire d'autres. Où les trouves-tu?
- Eh bien! Depuis les vacances, notre école d'église a organisé un club de lecture pour l'année. Nous nous appelons « Les Quarante-neuf ».
- Les Quarante-neuf! dit d'un air songeur l'ami de Claude.
Pourquoi avez-vous choisi ce nom étrange pour un club de lecture?
- Voilà pourquoi: il y a bien longtemps - plus de cent ans, nous a dit le maître - les Quarante-neuf étaient des chercheurs d'or. Nous en sommes aussi, à cette différence près que nous cherchons notre or dans les livres - et nous le trouvons. Il y a deux séries pour garçons et filles. Nous lisons les deux séries. Nous les aimons tous. Quand nous avons fini de lire tous les livres d'une série, nous recevons un certificat.
- Est-ce que ce livre en fait partie? demanda Robert en désignant le livre des petits putois qu'ils avaient lu ensemble.
- Oui, et il y en a six autres - sept dans chaque série. « Les petits putois » est un livre pour les plus jeunes, mais nous l'aimons aussi. J'ai les deux séries. J'ai économisé pour me les procurer. Bien sûr, mon père et ma mère m'ont aidé aussi. Ils veulent que je lise de bons livres.
- Tu sais, Claude, si j'en avais aussi, je n'aurais pas autant envie de lire des bandes dessinées. Ma mère n'aime pas que j'en lise. Mais, je le fais tout de même. J'aimerais bien aller à ton école pour avoir quelques-uns de ces bons livres, dit tristement Robert.
- Ta mère a raison. Tu ne devrais pas lire des bandes dessinées.
Ces histoires sont purement imaginaires; elles donnent souvent une fausse idée de la vie et certaines sont très laides. Ceux qui lisent beaucoup de revues de ce genre finissent par avoir la tête comme une passoire.
- Dis-moi, est-ce que c'est pour cela que tu retiens si facilement tes leçons et que tu réussis bien en classe? demanda Robert pour le taquiner.
Les deux garçons rirent de bon coeur, puis Claude répondit:
- Non, je ne le pense pas. Mais Papa dit que la lecture de bons livres fortifie l'esprit et les livres du Club du Livre sont de bons livres. Ils sont bons pour nous et ils sont aussi intéressants.
- Maman m'appelle et je dois m'en aller. Est-ce que je peux revenir demain soir? Je veux en savoir davantage sur les Quaranteneuf.
Le soir suivant, Claude et Robert étaient de nouveau réunis. C'était bien de leur âge. Le papa de Claude lisait à haute voix « Sur les ailes de Toujours-Gai ». C'était, parmi les livres du Club du Livre, l'un des favoris des Quarante-neuf. Les enfants écoutèrent le père de Claude lire les aventures de « Vieux Charlot », l'ours, de « Clochard », le chien, de « Bougillon », l'écureuil roux, de « Mendigot», le tamia (sorte d'écureuil), et de « Toujours-Gai », le merle aux ailes rouges.
La soirée passa rapidement. Un peu avant huit heures, alors que Robert devait s'en aller. Claude lui fit une surprise. Les Quarante-neuf s'étaient réunis ce jour-là. Claude était le président et il avait parlé aux membres du club de son ami Robert et de son désir de lire de bons livres. Il leur avait dit que Robert n'allait ni à l'église ni à l'école d'église et qu'à cause de cela il n'avait pas la possibilité de se procurer les livres du Club du Livre, à moins qu'ils ne fassent quelque chose pour lui - et c'est ce qu'ils firent.
En partant, Robert avait un sourire sur le visage, un chant dans le coeur et une collection de livres pour les juniors du Club du Livre sous le bras - un cadeau des Quarante-neuf.
Alors que Claude regardait partir son ami depuis la porte d'entrée, Robert se retourna et dit: « Merci beaucoup, Claude, le livre était très amusant. Nous nous réunirons bien souvent pour lire comme aujourd'hui, et nous choisirons toujours les meilleurs livres. »