Plus on est, plus on rit


- Je prendrai les sandwiches, dit Jeanne en s'emparant du paquet brun qui était sur la table.

- Moi, la bouteille de limonade dit Richard.

- Très bien, dit Mme Lebail avec un sourire. Elle sortait du four de délicieux biscuits au fromage et les glissait dans une boîte de matière plastique. La pizza était déjà emballée. Le petit David qui arrivait l'emporta jusqu'à la voiture, et la plaça dans le coffre ouvert. Les trois enfants étaient radieux.

- Nous allons pique-niquer, nous allons pique-niquer, chantait David en esquissant un pas de danse.

Tout à coup, une petite voix se fit entendre:

- Bonjour! dit-elle.

Et une autre petite voix demanda:

- Où allez-vous?

C'étaient leurs deux petits voisins, Henri et Monique, qui les observaient, penchés sur la barrière.

- Nous allons pique-niquer, dit Jeanne.

Oh! comme vous avez de la chance! dit Henri.

- Oui, c'est fameux, affirma Richard.

- Nous, nous n'allons jamais en pique-nique, dit tristement Monique.

Les trois petits Lebail rentrèrent à la maison, pensifs. Ils savaient très bien que la maman de leurs petits voisins travaillait, qu'elle était rarement à la maison, et que la vie n'était pas toujours drôle pour Henri et Monique. Si seulement ils ne les avaient pas vus préparant leur excursion!

- Pourquoi ne demanderions-nous pas à maman de les emmener? murmura Jeanne.

- Mais bien sûr! dit Richard. Ce serait encore plus amusant. Leur maman finissait de mettre de l'ordre dans la cuisine quand, tout excités, ils lui soumirent leur idée.

- Mais pourquoi pas? dit-elle. Je vais tout de suite téléphoner à leur mère pour lui demander ce qu'elle en pense.

Les enfants suivirent, anxieusement, la conversation téléphonique et le « oui » qu'ils perçurent les remplit de joie.

- Elle est tout à fait d'accord. Les enfants prendront du pain et du fromage. Et elle a fait hier une tarte dont il reste la moitié.

- D'ailleurs, déclara Richard, nous pourrons très bien partager tout ce que nous avons avec eux!

Un peu plus tard la voiture, bondée, partait pour la forêt. Il faisait un temps splendide. Les enfants jouèrent, coururent, cherchèrent des fraises des bois et des fleurs sauvages.

Henri, Monique et leur maman remercièrent chaleureusement au retour ceux qui leur avaient permis de passer une aussi bonne journée. Mais ces derniers étaient peut-être, finalement, les plus heureux.

- Nous nous sommes beaucoup mieux amusés que si nous avions été seuls, tu sais, maman, dit Jeanne en essuyant la vaisselle du pique-nique.

- Un vieux dicton prétend que « Plus on est, plus on rit », et, tu vois, il a raison, répondit la maman.

- Nous avons partagé notre plaisir avec eux, et notre plaisir a été plus grand. Quelle drôle d'arithmétique! dit Jeanne en dénouant les cordons de son tablier.