Sauvés des Indiens


Au moins, ne vous perdez pas, cria la maman. Elle se tenait sur le seuil de la cabane en rondins et regardait James et Robert s'éloigner sur la piste étroite qui menait dans les bois.

- N'aie pas peur! répondit James.

- Quelle chance! dit Robert. Je ne croyais jamais que maman nous laisserait aller tous seuls aux châtaignes.

- Elle ne nous laisserait pas aller si père était à la maison, répliqua James. Mais il ne reviendra que dans deux semaines, et il est grand temps de ramasser les châtaignes.

Robert balançait gaiement son panier:

- Nous ferons bien attention de ne pas nous éloigner du sentier.

James ne répondit rien. Il ne craignait pas de perdre la piste.

Ce qui l'inquiétait, c'étaient les traces de mocassins qu'il avait décelées sur les rives du lac, l'avant-veille. Les Indiens étaient souvent passés dans les bois, mais jamais si près de leur cabane. Certains de ces Indiens étaient bien disposés à leur égard, mais beaucoup ne l'étaient pas. On considérait comme dangereux de se trouver sur leur chemin.

James respira péniblement. Après tout, les Indiens s'étaient peut-être éloignés. De toute façon, il ne fallait pas inquiéter Robert. Il en serait effrayé, et les châtaignes devaient être ramassées.

- Oh! regarde le gros châtaignier, là, devant nous! s'écria tout à coup le petit.

Tout excité, il se mit à gambader à travers les broussailles.

James le suivit promptement. C'était vraiment un très gros arbre, et son pied était entouré d'un rond matelas de coques entrouvertes montrant leurs beaux fruits brun doré. James se sentit rassuré. Ils étaient sûrs de remplir très vite leurs paniers.

Ils avaient presque terminé quand l'aîné aperçut un spectacle qui le fit frémir de terreur. Quatre Indiens s'avançaient sur la piste, se dirigeant droit vers le gros châtaignier. Robert les vit aussi. Les yeux exorbités il cria, en pointant vers eux son doigt:

- Les Indiens! Regarde! Regarde! Sauvons-nous!

- Il est trop tard, murmura James. Ils nous ont vus!

Robert se rapprocha de son aîné et pleurnicha:

- Qu'est-ce que nous allons faire?

- Je ne sais pas, dit James en serrant bien fort la main de son cadet. Ou plutôt si! Prions!

- Ils inclinèrent leurs têtes, et James murmura une prière qu'il avait souvent entendu répéter à sa mère: « En toi, mon Dieu, je mets ma confiance. »

Quand les Indiens atteignirent l'arbre, ils s'arrêtèrent et observèrent les enfants. James répétait toujours sa prière. Pour finir, les quatre guerriers reprirent leur chemin, et furent bientôt hors de vue.

Tremblants, les enfants se remirent à la tâche jusqu'à ce que leurs paniers fussent entièrement remplis, et chacun d'eux se disait: « Dieu nous a sauvés. »

Comme leur rustique cabane leur parut accueillante! La maman les serra dans ses bras tandis qu'ils racontaient leur histoire.

- Oui, Dieu vous a protégés, mes chéris. Il le fait toujours quand on se confie en lui.

Ceci arriva il y a bien des années, quand le grand auteur américain James Fenimore Cooper était encore enfant. Il n'oublia jamais cet épisode de sa vie. Et bien des fois, par la suite, il eut encore l'occasion de remercier Dieu pour sa bonté.