Comment des singes sauvèrent Pedro


- Voici un arbre bien accueillant. Je m'en vais m'installer sous son bon ombrage, se dit Senor Pedro en tournant le nez de son canot vers la rive.

Il avait vendu plus de livres parlant de Jésus et de son amour qu'aucun autre colporteur travaillant sur ces rives mystérieuses du grand fleuve Amazone. Il voyageait en bateau, car de routes, il n'y en avait pas - et ne parlons pas de cars ou d'autobus! Les rivières et les fleuves sont les seules grandes routes, dans cette partie du monde, et la plupart des habitations sont construites non loin des rives. Derrière s'étend la jungle impénétrable.

Saisissant son petit matériel de cuisine, Pedro attacha son canot au tronc d'un jeune arbre et s'installa sur un petit monticule, à l'ombre du grand sycomore qu'il avait repéré. En quelques minutes il avait construit un foyer rudimentaire sur lequel il se proposait de cuire du riz et des haricots.

Flac! Une branche morte tombe juste dans la casserole de riz!

- Que se passe-t-il? dit Pedro en levant les yeux vers le feuillage dense.

Il ne voit rien, sinon ces feuilles brillantes qui le protègent du soleil. Calmement, il saisit la branche importune et l'envoie au loin, tout en essayant de débarrasser son riz des brindilles qui y sont restées.

Crac! Cette fois, c'est sur sa tête! Une branche de taille respectable l'a heurté: il est difficile de croire qu'elle est tombée par hasard. Pourtant, il a beau scruter la voûte vivante qui s'arrondit au-dessus de sa tête, il ne distingue rien. Une fois de plus, il se remet à sa cuisine, quand une troisième branche, lancée à toute volée, l'atteint à nouveau. C'est trop fort! Perçant plus attentivement l'épaisseur du feuillage, son regard découvre une troupe de singes dont les museaux malins semblent le narguer.

- Eh bien! je perdrai mon temps à lutter contre ce gang! se dit-il. Mieux vaut leur laisser la place.

Il ramasse ses pots, détache le canot, et vogue la galère! Au fil de l'eau, il se laisse porter, jusqu'à ce qu'un autre endroit semble lui faire signe. De nouveau il prépare son feu, finit de cuire son repas et commence la sieste qu'il a l'habitude de faire à cette heure du jour.

Mais à peine était-il endormi qu'un violent orage éclatât. Il n'eut que le temps de courir au canot pour l'attacher plus solidement et de s'y installer - toujours muni de sa batterie de cuisine - sous une toile prévue à cet effet.

Ce ne fut pas un orage ordinaire. Pendant des heures le tonnerre gronda, les éclairs s'entrecroisèrent sinistrement au-dessus de la jungle, parfois des craquements terribles le faisaient frissonner malgré lui. Il était heureux de pouvoir demander la protection de Dieu.

Tard dans l'après-midi, il put enfin reprendre son travail, visitant les familles éparpillées le long du large fleuve. Le jour suivant, il prit le chemin du retour, et, en remontant, put constater les dégâts de la récente tempête. Tout à coup, il s'arrêta, comme pétrifié. Le sycomore! Le sycomore aux singes! Il avait été fendu en deux par la foudre. Une partie s'était lourdement abattue sur le sol - là où il avait voulu camper. Toute cette partie de la rive était jonchée de grosses branches, et le spectacle de cette dévastation était lamentable. Mais lui avait échappé! Oh! comme il comprenait maintenant la malignité des singes! Bien sûr qu'il devait fuir cet endroit, à tout prix, pour que sa vie soit épargnée, et que son beau travail puisse se poursuivre! Plus que jamais il comprit que « l'ange de l'Éternel campe autour de ceux qui le craignent et les arrache au danger ».