Le terrible voisin
« Rien ne sera impossible à Dieu » (Luc 1:37)
Personne ne voulait habiter cette maisonnette, enfouie sous la verdure. Les orties et les ronces avaient envahi le jardin et une grille toute rouillée en fermait l'accès, portant bien en évidence l'écriteau: « A LOUER ». Pourtant ce cottage était situé en pleine campagne hollandaise, tout près de la ville d'Amsterdam. Mais on disait que le propriétaire, qui habitait la ferme voisine, avait des crises de folie. On l'avait vu arpenter son verger en gesticulant et en criant. D'ailleurs il ne sortait jamais de chez lui et ne saluait personne. Une vieille gouvernante s'occupait de lui.
Mais un matin toute une équipe d'ouvriers vint redonner vie et couleur à la maison abandonnée; un jardinier s'attaqua aux mauvaises herbes. Et un jour, une famille de quatre enfants prit possession des lieux. Le père, M. Mollenberg, allait travailler en ville. L'air de la campagne convenait bien à sa femme. C'étaient des chrétiens et bien qu'étant au courant du caractère étrange de leur voisin, ils espéraient que Dieu les aiderait dans leurs contacts avec lui.
L'aîné des enfants, Richard, était un garçon de douze ans, qui avait donné son coeur au Seigneur Jésus. Quelques mois après leur installation, il jouait tranquillement avec son animal favori, un joli lapin blanc, appelé « Boule de Neige », quand celui-ci s'échappa et courut sous la haie jusqu'au jardin voisin. Richard, désolé, l'appela, lui tendit du trèfle par les trous de la haie, rien n'y fit. Boule de Neige ne voulut pas revenir. Et il était interdit de s'introduire dans la propriété voisine! Que faire? Plusieurs jours passèrent sans qu'il revit son cher lapin. Un matin, s'enhardissant, il demanda poliment à son redoutable voisin, qu'il apercevait pour la première fois dans son verger, s'il n'avait pas vu son lapin blanc.
- « Tu ne le reverras jamais! » cria cet homme d'une voix féroce, « je l'ai tué ».
Richard, en larmes, courut vers sa mère: « Maman, oh, Maman! Il a tué mon lapin! Quel horrible bonhomme! »
A travers ses sanglots, il raconta à sa mère toute l'histoire.
- « Mon pauvre petit, je comprends bien ton chagrin, mais M. Vilers est plus à plaindre que toi.
- Lui? Mais il n'aime rien ni personne!
- Justement, il est très malheureux! Il a dû avoir un grand chagrin qui lui a dérangé l'esprit.
- Pourquoi sommes-nous venus ici?
- Ton père a ses raisons. Peut-être pourrions-nous prier pour que Dieu change le coeur de notre voisin. »
Comme l'enfant ne répondait pas, elle ajouta doucement: « Rien n'est impossible à Dieu ».
Un soir, très tard, des cris perçants troublèrent le silence de la nuit. M. Mollenberg se précipita vers la ferme voisine et aperçut le vieillard qui semblait en proie au plus profond désespoir: pâle, il levait ses bras maigres vers un pommier de son jardin en criant: « Oh, mon fils, mon fils, c'est là qu'il est mort! ». M. Mollenberg, n'écoutant que son coeur, s'avança vers son voisin pour essayer de le consoler. L'autre, alors, se jeta sur lui avec furie pour le battre. Mais tranquillement, M. Mollenberg lui dit: « Laissez-moi vous aider, je crois comprendre que vous avez perdu votre fils? » A ces mots, la violence du pauvre homme se calma et ses forces l'abandonnèrent. Notre ami, aidé de la fidèle gouvernante, porta le malheureux dans son lit.
Quand il revint auprès de sa femme, il lui dit tristement: « Je crains bien que nous ne puissions pas faire grand-chose pour cet homme, il semble avoir l'esprit dérangé par un terrible événement... Mais en parlant à sa gouvernante, j'ai compris qu'il n'y avait pas de Bible dans cette maison. Peut-être pourrions-nous leur en procurer une. »
Le lendemain, Richard porta la Bible qui fut reçue avec joie par la vieille femme. Elle lui dit que son maître était très malade. Cet après-midi-là, toute la famille devait aller voir des amis à Amsterdam, mais Richard préféra rester pour préparer son travail de classe. Tout à coup il se dit que les belles oranges que sa mère venait de rapporter du marché feraient peut-être plaisir à M. Vilers. Aussitôt il met les fruits dans un panier et traverse le verger. Rencontrant la gouvernante il lui demande la permission de rendre visite à son malade.
Elle trouva son maître en train de lire la Bible et tellement absorbé par sa lecture qu'il ne l'entendit pas entrer.
- « Monsieur, dit-elle, vous avez là un petit garçon qui vous apporte des oranges et qui a peur que vous ne vouliez pas le recevoir.
- Ce sont des gens extraordinaires! La lecture de ce livre me bouleverse! Fais entrer ce garçon, Marguerite. »
Richard s'avança timidement et se tint au pied du lit.
- « Penses-tu donc quelquefois à moi? demanda le vieillard.
- Oui, j'ai pensé deux fois à vous aujourd'hui.
- Deux fois?
- Ce matin et cet après-midi, quand j'ai prié pour vous.
- Mais, pourquoi pries-tu pour moi, qui ai tué ton lapin?
- Pour que le Seigneur Jésus vous guérisse et vous donne la paix du coeur. Il m'a appris à vous pardonner et à prier pour vous comme le font aussi papa et maman. »
L'enfant lui parla avec animation de l'amour de Jésus pour de pauvres pécheurs perdus. Alors l'homme cacha son visage dans ses mains et se mit à pleurer.
Quand Richard raconta à sa famille ce qui s'était passé, chacun remercia Dieu pour sa merveilleuse bonté.
Depuis ce moment-là, le garçon se rendit souvent chez son vieux voisin et une chaude amitié naquit entre eux.
Un jour, la gouvernante appela Richard d'une voix angoissée par-dessus la haie: « Venez vite, mon maître a encore une de ses crises! » Le garçon le trouva sous le pommier, en proie au désespoir et à la terreur. Effrayé, mais courageux, Richard lui cita doucement les paroles de Matthieu 11:28-30 : « Venez à moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés, et moi, je vous donnerai du repos ... »
Le vieil homme qui continuait à marcher de long en large ne semblait pas prêter attention à ces paroles, mais tout-à-coup, il s'arrêta en face de l'enfant et s'écria: « Comment puis-je trouver ce repos? »
M. Mollenberg, qui était arrivé derrière son fils, répondit: « Vous devez aller à Jésus. Lui seul peut vous donner ce repos. C'est lui qui vous appelle et qui vous dit: viens à moi.
- Est-ce vraiment pour moi?
- N'êtes-vous pas fatigué et chargé? Il appelle tous ceux qui succombent sous le poids de leurs péchés; Il veut leur donner le pardon, la paix, la vie éternelle.
- Même si j'étais ... un ... meurtrier? »
Le père fit signe à Richard de se retirer. Le vieillard fit alors une confession complète de sa triste vie et accepta le salut que le Seigneur donne. Il trouva la paix et la joie. Ensemble ils purent remercier Dieu qui avait répondu si merveilleusement aux prières des siens, Lui rendre grâce pour la miraculeuse délivrance qu'Il avait accomplie.